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Texte de Sylvain Tesson

Je marche pour demeurer maigre. J’ai horreur du gras, pas celui des autres - et le ciel m’est témoin que j’ai de bons gros amis - mais du mien propre. Je considérerais la prise de kilos superflus comme une défaite morale. L’ascèse physique est le miroir de l’ascèse spirituelle et si l’on veut alléger sa pensée, il faut se dégraisser le corps. Yukio Mishima a dit des choses très belles là-dessus, quoiqu’un peu radicales, dans Le Soleil et l’Acier, petit ouvrage composé peu avant qu’il ne s’expédie ad patres par le fil de son propre sabre. La marche à pied affûte le corps et décape l’esprit.

Tous les diététiciens diront que marcher constitue une manière économique de réguler sa charge pondérale. La marche est la diététique du mouvement. Le marcheur, ligneux, noueux se reconnaît de loin. Il se meut à la ville comme en chemin à la manière de Cocteau : léger, dansant, monté sur des coussins d’air. La marche à pied est un alambic qui distille les scories du corps.

Quand je me lance dans des traversées au long cours, je ne suis jamais sujet aux maladies: les quarante kilomètres quotidiens lavent ma machine. La route purge. Pour résumer : rester maigre, boire du vin, lire des livres, abattre des kilomètres, nager dans la mer, grimper sur les rochers, aimer sa femme et mourir violemment : voilà quelle devrait être la doctrine de tout marcheur converti à l’ascétisme de la piste.

Sylvain Tesson